Le Père Viot : est-il toujours franc-maçon ?

Ci-dessous : le Père Viot en conférence à la loge Villard de Honnecourt [1]. Celle-ci s'est tenue en 2019, en présence de Jean-Pierre Rollet, Grand Maître de la Grande Loge Nationale de France (GLNF).

Sommaire:

I. Introduction 

II. Biographie du Père Viot 

III. Une subtilité récurrente chez les francs-maçons 

IV. Le Père Viot : un collaborateur des francs-maçons 

IV.1. La conférence du Père Viot à la loge Villard de Honnecourt 

IV.2. Des articles du Père Viot dans les Cahiers Villard de Honnecourt 

V. Des propos scandaleux à propos de la Révolution française 

VI. Les homélies du Père Viot diffusées par frère Gilbert Collard 

VII. L'opposition entre l'encyclique Dignitatis humanae et la Tradition 

VII.1 La liberté religieuse selon Dignitatis humanae de Vatican II 

VII.2 La liberté religieuse avant Vatican II 

VIII. Conclusion 

I. Introduction 

  Parlons aujourd'hui d'un prêtre médiatisé dans la presse conservatrice, notamment la chaîne CNews, les éditions de L'Homme Nouveau, etc. Il s'agit du Père Michel Viot.

Qui est le Père Viot ?

Officiellement, ce prêtre est un ancien évêque anglican et franc-maçon. Rien n'est impossible à Dieu : même des francs-maçons peuvent renoncer à la cité de Satan. Cependant, une simple lettre de démission remise au grand maître de la GLNF, peut-elle être considérée comme une rupture totale ? Bien sûr que non, il faut encore rompre toute collaboration avec la secte et ses membres. Or, à posteriori, le Père a donné une conférence à la loge Villard de Honnecourt, une loge appartenant à son ancienne obédience, la GLNF, et a publié un article dans deux numéros de la revue de la loge. Nous aborderons tout cela ici.

Ci-dessous : le Père Viot à l'antenne de CNews.

Ci-dessous : les abbés Guillaume de Tanouarn (à gauche) et Michel Viot (à droite), dans une vidéo publiée par L'Homme Nouveau.

Ci-dessous : livre du Père Viot, préfacé par l'abbé de Tanouarn, et édité par L'Homme Nouveau.

II. Biographie du Père Viot

  Michel Viot [2], né dans une famille catholique, se convertit au luthéranisme et devient pasteur. Il accède à des responsabilités importantes, notamment en prenant en charge l'une des plus importantes paroisses luthériennes de Paris, l'église des Billettes, située dans le Marais. Il obtient bientôt le titre d'inspecteur ecclésiastique, l'équivalent d'un évêque dans l’Église catholique. Il appartient également à la franc-maçonnerie, qu'il défend dans un ouvrage intitulé Ces francs-maçons qui croient en Dieu. Là aussi, il exerce des responsabilités importantes et suscite la controverse par ses opinions monarchistes ainsi que par des rituels proches du catholicisme : encens, vêpres, et même chant grégorien. Depuis longtemps, il envisage de revenir à sa foi d'origine. En 2001, il franchit le pas : il démissionne de ses fonctions et est reçu dans l’Église catholique. N'étant pas marié, il postule aussitôt à la prêtrise, devient diacre, puis prêtre en 2003. D'abord vicaire à Romorantin, il est nommé aumônier de la prison de Blois, puis curé de la ville et responsable d'un large secteur paroissial. Il donne par ailleurs de nombreuses conférences et publie des ouvrages de réflexion sur l'avenir de l’Église et les liens entre les différentes confessions chrétiennes. Attaché aux valeurs traditionnelles, il renvoie dos à dos intégristes et progressistes. Parmi ses titres récents figurent La révolution chrétienne et De Luther à Benoît XVI.

III. Une subtilité récurrente chez les francs-maçons 

  À l'occasion d'un entretien accordé à Valeurs Actuelles, la journaliste Sophie Coignard révèle une subtilité souvent exploitée par les francs-maçons [3].

  VA : Vous écrivez qu'il y a à peu près 150 000 francs-maçons en France.

  SC : À jour de cotisation, oui. Mais le double, si l'on compte celles et ceux qui ont été initiés mais n'en font plus partie, faute de temps. C'est d'ailleurs l'une des difficultés que rencontre toute personne enquêtant sur la franc-maçonnerie.

Beaucoup d'interlocuteurs vous disent : « Je ne suis pas franc-maçon. » C'est souvent vrai, mais ils l'ont été. Et s'ils ne le sont plus, ce n'est pas parce qu'ils rejettent la franc-maçonnerie, c'est seulement qu'ils n'ont plus le temps de s'y consacrer, en raison des responsabilités qu'ils exercent.

IV. Le Père Viot : un collaborateur des francs-maçons 

IV.1. La conférence du Père Viot à la loge Villard de Honnecourt 

Ci-dessous : image de présentation de la conférence.

  La conférence intitulée « Édifiez-vous pour former une maison spirituelle » a été donnée le 24 juin 2019 en présence du Grand Maître de la GLNF, Jean-Pierre Rollet, et du vénérable de la loge Villard de Honnecourt, Bruno Pinchard. Elle est diffusée sur le site de la GLNF, mais son accès est réservé aux adhérents. En revanche, un large extrait a été été rendu accessible à tous sur YouTube, où il est accessible à tous. Notons que cette intervention a été critiquée par l'historien Yves Chiron. Étant donné que je suis en plein accord avec son analyse, je vous en transmets les points essentiels [4] :

  • Dans son analyse sur l'ancien temple et le nouveau temple, Jésus est défini comme le « Grand architecte de Dieu ».
  • L'abbé Viot fait l'éloge de cette tolérance maçonnique, qu'il assimile à ce que les Pères de l’Église appelaient le  « sacrement de frère » :

 « L'anglican qui vit quelques heures en loge avec un presbytérien, voire un papiste, s'apporteront l'un l'autre ce que j'appellerais le sacrement du frère, qui leur permettra de construire à l'extérieur la tolérance religieuse. »

  J'ajouterais que le conférencier fut récompensé par une salve d'applaudissements de la loge. Cela n'est guère étonnant, lorsqu'on pense comme un franc-maçon. Quelle voix dissidente !

IV.2. Des articles du Père Viot dans les Cahiers Villard de Honnecourt

  Cet article, rédigé en 2018, a également fait l'objet d'une critique de Yves Chiron [4]. En voici quelques extraits :

« En 2018, dans les Cahiers Villard de Honnecourt n°108, la revue de la GLNF, il a publié un article intitulé « D'une maçonnerie chrétienne à une maçonnerie théiste » (p. 161-169). Il cherche à démontrer que « la franc-maçonnerie fut à ses origines chrétienne », que les Constitutions d'Anderson (1723), texte de référence de la maçonnerie spéculative, furent non pas « une rupture avec l'ancienne maçonnerie chrétienne », mais au contraire une remise à jour des anciennes obligations dans un cadre demeuré chrétien »... Pour l'abbé Viot entre l'édition des constitutions de 1723 et celle de 1738, la franc-maçonnerie « chrétienne » serait devenue « théiste ». Cette « continuité » ne serait pas une évolution dommageable, voire une trahison, mais un « dépassement » heureux. L'abbé Viot conclu son article en estimant « l'évolution andersonienne de 1723 à 1738 n'a pas été trahie. Elle a, au contraire, été confortée, en assurant à la maçonnerie anglaise le rayonnement qu'on lui connaît ».

《Reste que, dans l'édit de 1723 comme dans celui de 1738, le principe maçonnique de la tolérance envers les personnes trouve son fondement dans un indifférentisme doctrinal affirmé. C'est précisément ce point qui motivera la condamnation de la franc-maçonnerie par l’Église catholique :

« Des hommes de toute religion et de toute secte, affectant une apparence d'honnêteté naturelle, se lient entre eux par un pacte aussi étroit qu'impénétrable ».》

— Clément XII, Bulle pontificale In Eminenti Apostolatus du 28 avril 1738.

En 2023,  l'abbé persiste en rédigeant un nouvel article pour les Cahiers Villard de Honnecourt :

V. Des propos scandaleux à propos de la Révolution française

Ci-dessous : le Père Viot et Odon Lafontaine dit « Olaf » à l'Eglise Saint Roch de Paris le 3 octobre 2020. 

  Les deux auteurs ont donné une conférence traitant la problématique de l'application de la loi de 1905 à l'islam, ainsi que sur les rapports entre l'Église et l'État [5]. Au cours de celle-ci, nous entendons le Père Viot tenir des propos dignes d'un franc-maçon :

« En 1789 qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Pour répondre à un problème financier — ce qui a malheureusement fait tomber la royauté — à cause de l'égoïsme des classes privilégiées, qui auraient pu aider grandement le trésor si on avait accepté une assiette fiscale plus juste et plus normale.
L’État était au bord de la banqueroute, alors Talleyrand a proposé que les biens du clergé soient pris par l’État. Après tout, ils appartenaient au peuple.

Dans un sens, écoutez, c'est évidemment un peu dur, mais le clergé, deux ans plus tôt, avait refusé de donner l'argent qu'il aurait pu donner. Il a voulu être pingre et avare, et bien, il a été puni. Il a tout perdu et même, il y en a qui ont perdu la tête après.
Ça doit servir de leçon en matière de négociation... La vie est une suite de négociations : si on ne négocie pas, on est condamné à des actions violentes. »

Concernant l'ingérence de Napoléon vis-à-vis de la religion, il relativise :

« Même si la religion était sous contrôle, elle n'était pas non plus esclave. » 

À propos de la loi de séparation de l’Église et de l’État, dite loi de 1905, il déclare :

 « Donc la loi de 1905, sur le plan théologique pour un catholique, elle est hérétique... mais on peut très bien en vivre. »

  On est très proche de la version enseignée dans les écoles de la République — ses « anciens » frères de la GLNF peuvent à nouveau applaudir !

VI. Les homélies du Père Viot diffusées par frère Gilbert Collard 

Ci-dessous : Nous constatons que le franc-maçon notoire Gilbert Collard diffuse sur son compte Facebook et sa chaîne YouTube les homélies du Père Viot. 

  L'abbé s'est si éloigné de la franc-maçonnerie, qu'un franc-maçon notoire comme Gilbert Collard relaie toutes ses homélies. Dans la première du mois d'octobre 2025 [6], le Père s'attaque au laïcisme tout en prêchant subtilement la tolérance religieuse, si chère à la franc-maçonnerie « traditionnelle ». Vers 8'30, il tente notamment de justifier l'encyclique Dignitatis humanae de Paul VI, pourtant en opposition avec plusieurs textes de l’Église :

  « On veut nous faire tomber dans ce dialogue de sourd suscité par Dignitatis humanae [7]ce beau texte de Vatican II... Vatican II, à la suite de Léon XIII et de Pie XI, défend la liberté des consciences. C'est pas la même chose : le droit pour chacun dans un pays donné de choisir sa religion ou d'en changer, ou de ne pas en avoir sans contrainte. »

  Il convient également de souligner qu'il affirme que Dignitatis humanae s'inscrit dans la lignée des discours des papes Léon XIII et Pie XI. Or, s'il est vrai que les Saint-Pères ont tenu des propos exploités par les modernistes favorables à Dignitatis humanae, il est faux de dire qu'ils étaient en accord avec la liberté religieuse expliquée par Vatican II [8].

VII. L'opposition entre Dignitatis humanae et la Tradition 

VII.1 La liberté religieuse selon Dignitatis humanae de Vatican II 

  À écouter l'abbé Viot,  Dignitatis humanae 《ce beau texte de Vatican II》dit-il, a été mal compris. Le texte, ne ferait qu'indiquer à juste titre que les individus doivent être libres de choisir leur religion sans contraintes. C'est faux et nous allons voir en quoi cette encyclique est en opposition avec ce que l'Eglise a enseigné sur la liberté religieuse.

 Ci-dessous, le chapitre 4 de Dignitatis humanae nous indique que les individus des différentes communautés religieuses doivent avoir le droit:

  • de fonder des communautés religieuses ainsi que les édifices qui en découlent.
  • d'orienter leur vie selon leurs principes religieux.
  • de manifester leur foi publiquement.
  • de constituer différents types d'associations.

Les chapitres 6 et 13 indiquent que:

  • les individus des différentes communautés religieuses doivent bénéficier des mêmes droits dans la société civile.

  Et la conclusion (chapitre 15) nous indique:

  « Il est, en effet, manifeste que les peuples sont aujourd’hui portés à s’unir toujours davantage; que des relations plus étroites s’établissent entre populations de culture et de religion différentes; que s’accroît la conscience prise par chacun de sa responsabilité personnelle.
Pour que des relations pacifiques et la concorde s’instaurent et s’affermissent dans l’humanité, il est donc nécessaire qu’en tous lieux, la liberté religieuse soit sanctionnée par une garantie juridique efficace, et que soient respectés les devoirs et les droits suprêmes qu’ont les hommes de mener librement leur vie religieuse dans la société. »

— Déclaration de l'Église catholique promulguée le 7 décembre 1965 par le pape Paul VI dans le cadre du Second concile œcuménique du Vatican.

  En résumé, partout dans le monde, le camp de la vérité et de l'erreur doivent être mis sur un pied d'égalité. Les hérétiques et les idolâtres peuvent donc construire leurs temples, fonder des associations... pour propager leurs erreurs...

VII.2 La liberté religieuse avant Vatican II

Voici maintenant des extraits d'avant le Concile :

  « Et contre la doctrine de la Sainte Écriture, de l’Église et des saints Pères, ils affirment sans hésitation que : « la meilleure condition de la société est celle où on ne reconnaît pas au pouvoir le devoir de réprimer par des peines légales les violateurs de la loi catholique, si ce n’est dans la mesure où la tranquillité publique le demande [...]

    La liberté de conscience et des cultes est un droit propre à chaque homme. Ce droit doit être proclamé et garanti par la loi dans toute société bien organisée. Les citoyens ont droit à l'entière liberté de manifester hautement et publiquement leurs opinions quelles qu'elles soient, par les moyens de la parole, de l'imprimé ou tout autre méthode sans que l'autorité civile ni ecclésiastique puisse lui imposer une limite. Or, en donnant pour certitudes des opinions hasardeuses, ils ne pensent ni ne se rendent compte qu’ils prêchent « la liberté de perdition » , et que s’il est permis à toutes les convictions humaines de décider de tout librement, il n’en manquera jamais pour oser résister à la vérité et faire confiance au verbiage d’une sagesse toute humaine. »

— Pie IX, Quanta Cura 

VIII. Conclusion 

  Lorsque le Père Viot dit qu'il n'est plus franc-maçon, il dit probablement vrai sur le plan administratif. Toutefois, la rupture n'est pas totale, car il entretient OUVERTEMENT des liens avec la secte. Ce sont là des actions indignes d'un prêtre qui, comme nous l'avons vu, sont compatibles avec les principes de la franc-maçonnerie, et les signes ne manquent pas.

Parmi ces signes :

  • retenons les salves d'applaudissements de la loge Villard de Honnecourt;
  • sa défense de la liberté religieuse —  ou tolérance maçonnique — dans les locaux mêmes de la loge;
  • sa promotion faite par un franc-maçon de longue date tel que Gilbert Collard.
  • la défense de l'encyclique Dignitatis humanae figure dans la propagande du Père. Ça n'est pas une surprise puisque c'est un texte parfaitement compatible avec les constitutions d'Anderson de 1723 et 1738...

Jean de Grive 

[1] Conférence du Père Viot à la loge Villard de Honnecourt : https://youtu.be/vz9ggh03bgQ?si=ajlrqdRAKCNHrvkO

[2] https://www.laprocure.com/author/0-1336265/viot-michel?srsltid=AfmBOormxH8TOmI2QBmrJUJpBMTvscckmjpzzsukAQPGsKomTSHp8Ywp

[3] https://www.jlturbet.net/article-31141938.html

[4] Michel Viot, Un prêtre francmaçonfile. ALETHEIA N°293

[5] Lien de la conférence : https://youtu.be/D_1avZ-j7Ys?si=EFU1ZBcEAt5lN2Wg

[6] Lien de la vidéo : https://youtu.be/tNs2Tbk7knY?si=5Y6Af9WDo0Gernhe

[7] https://www.vatican.va/archive/hist_councils/ii_vatican_council/documents/vat-ii_decl_19651207_dignitatis-humanae_fr.html

[8] https://laportelatine.org/formation/crise-eglise/liberte-religieuse/on-ne-peut-pas-sauver-dignitatis-humanae