GNOSE CHRÉTIENNE ET GNOSE ANTI-CHRETIENNE*

*article des cahiers de la société Augustin Barruel

INTRODUCTION D'ALLIANCE DU TRÔNE ET DE L'AUTEL 

  Cet article de Jean Vaquié est dans la continuité de l'article intitulé "Le mythe de la bonne gnose" car il prend un exemple concret de subversion en la personne de Jean Borella. (1) Qui est Jean Borella? C'est un philosophe français né le 21 mai 1930 à Nancy, ce dernier a ténacité Guénon lors d'un voyage en Égypte; a été disciple de l'abbé Stéphane (un prêtre enseignant de Nancy condamné pour hérésie) et du Suisse Frithjof Schuon (un disciple de Guénon). Jean Vaquié coincera ce philosophe sur d'autres écrits notamment sur "La charité profanée" ce qui lui vaudra une certaine reconnaissance de la part de mgr Lefebvre. (2) Malheureusement Jean Borella laissera derrière lui une lignée de disciples réussissant à marginaliser l'œuvre des cahiers de Barruel.

  Le professeur Borella à écrit, dans l'ouvrage "Vu de Haut", publié par les éditions Fideliter, un chapitre intitulé "Gbose chrétienne et Gnose anti-chrétienne". Le Christianisme, dit-il 《est une religion 》. Et il ne cache pas son intention d'acclimater, s'il le peut, le mot de gnose dans le vocabulaire de la théologie catholique dans lequel le professeur Borella reconnaît lui-même, ce mo n'a jamais figuré.

 

  Et il fait de ce mot un emploi très général dont voici quelques exemples:

  《Le Christ se fait péché, réalisant la véritable gnose de la création,

  《...la véritable gnose du Père est le Christ,

  《...Le vendredi Saint qui est la véritable gnose,

  《...la Résurrection du Christ, gnose opérative et salvatrice du monde》.

  Comment le professeur Borella défini la gnose chrétienne ?

  Dans les passages les plus clairs, il en fait le synonyme de "théologie mystique". La gnose chrétienne ne serait autre chose, selon lui, que la connaissance intuitive de Dieu,  c'est-à-dire la connaissance personnelle que l'on obtient par la prière, la méditation et la contemplation, connaissance qui n'est donc plus livresque mais expérimentale et personnelle ne fait aucun doute. Mais que le professeur Borella voudrait  c'est qu'une telle connaissance soit désormais appelée "gnose". Ce qui permettrait, selon lui, de redonner sa véritable importance à la mystique. Et ainsi la théologie se dépouillerait du rationalisme qui l'a envahie et elle échapperait 《au piège de ses formulations》.

  Où nous mène-t-il?

  Les dogmes immémoriaux considérés comme des "pièges", c'est une idée qui est fréquente chez les ennemis de l'orthodoxie, mais qui ne l'est guère chez les catholiques normaux. Il est évident en effet que si les "formulations" sont des pièges, il faut changer les formulations pour en trouver de plus sûres , ou même se passer de toute formulation pour être certains de ne pas tomber dans les pièges. C'est donc la fin de la notion d'orthodoxie dogmatique. Telle est la première critique que l'on ne peut manquer d'adresser à la gnose mystique du professeur Borella.

  Pourquoi tranquilliser les catholiques, le professeur Borella établit une distinction très nette entre d'une part cette bonne gnose qu'il faudrait cultiver et d'autre part le gnosticisme, le mouvement de pensée antichrétien qui infesta L'Église naissante aux IIÈME, IIIÈME et IVÈME siècles, et auquel, très malencontreusement d'après lui  on donne encore le nom de "gnose", ce qui entretient une regrettable confusion.

  Le gnosticisme antique, hostile à l'Eglise , se perpétue de nos jours en un gnosticisme moderne, lequel présente avec son aîné des différences et des ressemblances que le professeur Borella expose d'ailleurs en toute objectivité. Ces deux gnosticismes, l'ancien comme le moderne, ne doivent pas, nous dit-on, être confondus avec la bonne et vraie gnose mystique.

  Cette distinction entre gnose et gnosticisme était déjà préconisée par R.Guénon. Elle fut aussi demandée par les spécialistes du colloque de Messine en 1968. En lui restant fidèle, le professeur Borella pense apaiser les catholiques traditionnels anxieux de voir surgir, dans la terminologie religieuse, ce mot de gnose si lourd d'antécédents hérétiques.

  La précaution sera-t-elle suffisante ?

  Pour qu'elle le soit, il faudrait qu'elle fût respectée par tout le monde. Or, les ennemis de l'orthodoxie se garderaient bien de respecter une discipline de vocabulaire qu'on leur demande soit disant passant de l'orthodoxie. Dans d'autres passages, le professeur Borella déclare que cette 《gnose intérieure et salvatrice 》, cette connaissance intuitive de Dieu, ne va jamais sans un certain ésotérisme. Il estime que la vraie gnose a toujours existé, même avant le Christianisme.

  La gnose pré-chrétienne, on la trouve d'abord chez les juifs. Elle serait représentée par 《l'ésotérisme de la religion mosaïque, c'est-à-dire par ce qu'il y a en elle de plus secret》. Mais la gnose pré-chrétienne a aussi ses racines dans le paganisme, car, dit-il, 《les sacrements empruntent ce qu'il y a d'authentiquement religieux dans les mystères païens 》.

  Voilà qui n'est pas fait pour calmer notre inquiétude. Certes tout chrétien sait, depuis les Pères, que 《sous l'empire de l'Ancien Testament, il fallait savoir découvrir les merveilles de la grâce cachées sous l'ombre de la loi》. Mais nous connaissons aussi les reproches réitérés que Notre-Seigneur faisait à la tradition des scribes. Quant à la préparation évangélique que Dieu fit subir à la gentilité, elle ne fait, elle non plus, de doute pour personne. Mais nous savons aussi que 《tous les dieux des nations sont des démons 》.

 

  Quel type de mystique le mot gnose va-t-il donc déclencher et recouvrir dans l'Eglise?                          Quel arsenal notionnel va-t-il également y importer?        C'est ce que l'expérience ne va pas tarder à nous apprendre. Le professeur Borella ne semble pas très rassuré quant au succès de sa manœuvre puisqu'il écrit, dans la conclusion de son article:                              《Pourtant  les théologiens chrétiens eux-mêmes, hésiteront à ratifier ce terme de gnose appliqué au Christianisme》. Nous allons voir.

Jean Vaquié 

Conclusion d'alliance du trône et de l'autel 

 L'opposition gnose chrétienne/gnosticisme est une imposture, il n'y a pas à transiger là-dessus et si l'église a pris soin de ne pas conserver le mot gnose dans son langage c'est pour éviter des embrouilles des gnostiques.

(1) À la suite de la publication de cet article, Jean Borella demandera un droit de réponse qui sera publié dans le cahier de Barruel n°10.

(2) Des extraits de lettres de monseigneur Lefebvre montrent la reconnaissance de mgr Lefebvre, elles figurent dans "La gnose en question" d'Étienne Couvert aux P156,157 et 158.